Discours de la Reine, colloque « 24 ans de programme Femmes, Paix et Sécurité : l’heure du pragmatisme »
Discours de Sa Majesté la Reine, colloque « 24 ans de programme Femmes, Paix et Sécurité : l’heure du pragmatisme » Tournai, dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
L’inclusion des femmes dans les processus de paix est indéniable, même si aujourd’hui encore certaines réticences subsistent. En effet, leur implication dans ces efforts de paix reste toujours un défi.
Lors d’une visite de terrain au Libéria en 2010, j’ai eu l’occasion de suivre de près l’opération de maintien de la paix de l’ONU dénommée UNMIL, saluée comme l’un des succès des Nations Unies. J’ai accompagné une femme casque bleu dans son travail quotidien visant à mettre en œuvre l’agenda de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Son implication auprès de la population locale était déterminante.
Au même moment, j’ai eu le privilège de rencontrer la Présidente Ellen Johnson-Sirleaf, une femme remarquable qui a réussi à rallier les seigneurs de la guerre derrière ses plans de paix afin de rétablir la stabilité dans son pays.
Ces deux femmes très différentes, l’une casque bleu anonyme et l’autre dirigeante respectée, ont apporté leur contribution à la paix et à la sécurité au Liberia.
Je tenais à mentionner cet exemple pour montrer à quel point la participation des femmes à la prise de décisions est importante, de même que leur contribution aux processus de paix. Toutefois, cette inclusion des femmes devrait être significative, pragmatique, holistique et durable afin de consolider une paix à long terme.
Femmes, paix et sécurité sont des notions étroitement liées. Il s’agit de garantir la sécurité des femmes, car elles sont les plus vulnérables en cas de conflit ou de troubles. Il s’agit également de reconnaître leur rôle crucial pour créer et préserver la stabilité des communautés. Les femmes font en effet preuve de résilience, bâtissent des ponts et sont capables de trouver des solutions. Dans une société qui est à la recherche d’accords de paix et de réconciliation dans un processus de reconstruction après un conflit, elles peuvent jouer un rôle clé comme personnes de confiance.
Il est cependant regrettable de constater que, même au vingt-et-unième siècle, la violence sexuelle est encore utilisée comme arme de guerre dans de nombreux conflits. Il est inacceptable de constater que bien souvent, les auteurs de ces crimes ne doivent pas répondre de leurs méfaits devant la justice.
De plus, nous ne devons surtout pas oublier que la souffrance physique s’accompagne de séquelles mentales, souvent invisibles, qui persistent encore longtemps après la fin du conflit. Les générations suivantes en portent encore souvent les stigmates.
La recherche de la paix et de la sécurité requiert dès lors une approche proactive fondée essentiellement sur l’éducation et la prévention.
L’éducation procure connaissance et aptitudes, elle renforce ainsi la position des femmes dans la société. De plus, elle accroît leur indépendance et leur résilience. Elle améliore leur capacité à défendre leurs droits et ceux de leur communauté. Toutefois, l’enseignement de l’égalité des chances doit également faire partie intégrante de toute formation militaire, afin que les militaires soient en mesure d’agir avec humanité et s’inscrivent dans une culture caractérisée par le respect vis-à-vis des personnes physiquement vulnérables.
La prévention revêt également une importance cruciale pour éviter une escalade des conflits. En s’attaquant aux causes sous-jacentes telles que l’inégalité et la pauvreté, on parvient à réduire les tensions et les frustrations. De même, encourager un dialogue au moment adéquat permet de bâtir la confiance.
Pour conclure, j’aimerais saisir cette occasion pour attirer l’attention une fois de plus sur la nécessité de pouvoir disposer de ce que j’appellerais un “refuge d’espoir” pour les victimes de violences sexuelles. L’hôpital Panzi à Bukavu, que le Roi et moi-même avons visité il y a deux ans, est un bel exemple d’un tel havre de paix. Nous avons été fortement impressionnés par la triste réalité et la brutalité des violences sexuelles commises dans cette région instable. Cette visite de terrain nous a confronté à ce qui serait non pas une crise humanitaire mais une crise de l’humanité. Mais nous avons aussi été marqués par le courage exceptionnel des patientes et l’engagement total et inconditionnel du personnel médical. Cette visite de l’hôpital Panzi a renforcé notre foi en la résilience des femmes. Toute initiative qui contribue à promouvoir le respect, la dignité et la justice mérite notre appui.
Inspirons-nous donc de l’exemple de l’hôpital Panzi et continuons à lutter pour un monde dans lequel les femmes ne connaîtront plus l’angoisse et la soumission. Fixons-nous comme objectif un monde dans lequel les femmes puissent mettre leur force en œuvre comme architectes de la paix et garantes de la sécurité.