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Discours de Sa Majesté la Reine à l’ouverture de la 5ème Conférence Mondiale sur le Cacao, Bruxelles, le 22 avril 2024

22 avril 2024

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Lutter contre la pauvreté des petits producteurs de cacao, mieux les rémunérer grâce à des prix justes, mieux distribuer la valeur ajoutée tout au long de la filière menant du cacao au chocolat sont des thèmes qui me semblent très pertinents pour cette Conférence Mondiale du Cacao car ils rencontrent de nombreux Objectifs de Développement Durable auxquels tous les Etats ont souscrit dans le cadre des Nations-Unies.

La Belgique a toujours fait preuve d’un grand intérêt à l’égard de toutes les questions liées à la filière du chocolat. Il était donc naturel que vous décidiez de vous réunir à Bruxelles pour discuter de la durabilité de la filière du cacao et du sort de millions de petits producteurs.

Il était aussi judicieux pour l’Organisation Internationale du Cacao de mettre la question du revenu décent pour les cacaoculteurs au cœur de ses objectifs stratégiques et de ses activités, et de la choisir pour thème de cette Conférence.

Ma récente visite de terrain en Côte d’Ivoire m’a permis de mieux comprendre les enjeux liés à la production du cacao.

Le premier de ceux-ci est d’assurer une juste rémunération pour les millions de petits producteurs qui alimentent toute la filière ; cela répond à l’Objectif de Développement Durable qui vise l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes.

Mais d’autres Objectifs de Développement en matière sociale et environnementale sont également directement concernés. Je pense à l’Objectif relatif à l’éducation, qui implique qu’on lutte contre le travail des enfants pour leur permettre de fréquenter l’école, et à l’Objectif relatif à la lutte contre le changement climatique, qui justifie qu’on arrête la déforestation.

Je voudrais aussi souligner le lien entre une juste rémunération des producteurs et l’atteinte des objectifs de durabilité sociale et environnementale. Les prix et la durabilité sont les deux faces de la même médaille. Tous les parents du monde veulent donner la meilleure éducation possible à leurs enfants, tous les paysans du monde savent combien ils dépendent de la nature et de la biodiversité. Mais beaucoup sont trop pauvres et se voient obligés d’envoyer leurs enfants aux champs plutôt qu’à l’école, ou de déboiser plutôt que de protéger la forêt.

Nombreux sont les arguments en faveur d’une augmentation des prix payés aux cacaoculteurs.

Arguments d’ordre économique bien sûr, car des paysans justement rémunérés élèvent le niveau moyen de prospérité d’un pays et contribuent à son développement économique, par l’effet multiplicateur de leur consommation, de leur épargne et de leurs investissements.

Arguments d’ordre social ensuite, car des paysans justement rémunérés, peuvent mettre leurs enfants à l’école, et leur prodiguer les soins médicaux dont ils ont besoin, renforçant ainsi le capital humain d’une nation.

Arguments d’ordre juridique également, car les droits humains figurent parmi les principes directeurs du Plan-cadre des Nations-Unies pour le développement durable à l’horizon 2030, cadre qui a établi les 17 Objectifs de Développement Durable.

Mais l’argument le plus fort est peut-être d’ordre moral, car comment admettre une distribution de valeur aussi peu équitable tout au long de la chaîne de valeur allant du cacao au chocolat ? Les producteurs ne reçoivent pour leur cacao qu’entre 5 et 10% de la valeur du chocolat acheté par les consommateurs. Les commerçants, les industriels, les chocolatiers, les distributeurs se partagent les 90 ou 95 autres pourcents du prix final. L’équité plaide pour une augmentation du prix payé aux cacaoculteurs. Il faut combler le fossé qui existe entre le revenu réel des producteurs et le revenu décent auquel ils peuvent légitimement aspirer, afin de satisfaire leurs besoins essentiels.

Il y a un autre Objectif de Développement qui me tient personnellement à cœur : il s’agit de l’Objectif relatif à l’égalité des chances, qui n’est pas seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi une nécessité pour l’efficacité des politiques. Nous reconnaissons tous la contribution positive que les femmes apportent à l’économie et à la société. Je vois de nombreux domaines où leur rôle et leurs compétences pourraient être mieux reconnus et valorisés, que ce soit dans la production même du cacao, dans les traitements post-récolte ou dans la commercialisation. Les coopératives de femmes peuvent à cet égard jouer un rôle important pour promouvoir leur autonomisation, leur émancipation, et leurs justes aspirations.

Je n’oublie pas les messages qui m’ont été donnés en Côte d’Ivoire par les acteurs de la filière : Que le cacao devienne durable, ce qui signifie un travail et une rénumération décente pour les producteurs, des enfants qui puissent aller à l’école et des forêts qui sont préservées. Je ne doute pas que cette conférence permettra de mieux cerner tous les enjeux liés à ces différents objectifs.

Je vous remercie de votre attention.