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Journées européennes du Développement - Une éducation de qualité

4 juin 2015

Journées européennes du développement

Panel de haut niveau : « Le droit à une éducation de qualité : vital pour un développement économique, social et culturel de toutes les sociétés »

Bruxelles, le 4 juin 2015

Monsieur le Commissaire,

Messieurs les Ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Une éducation de qualité est un catalyseur clé pour atteindre un développement durable. Une éducation de qualité apporte non seulement des solutions à plusieurs problèmes qui touchent directement l'individu, mais au sens plus large, elle contribue au développement d'une communauté ou même d'une société. C'est un droit de l'homme fondamental; c'est une force pour la dignité humaine ; c'est un outil précieux pour créer la confiance en soi.

Cette vision est bien illustrée par l'organisation burundaise ADISCO qui a reçu hier au Palais Royal de Bruxelles le prestigieux Prix International Roi Baudouin pour le Développement en Afrique. ADISCO part de l'idée que « la pauvreté puise ses racines dans la perte de confiance en soi, qui alimente à son tour un sentiment de fatalisme et de résignation ». Grâce à une éducation et formation de base, ADISCO vise à renforcer les capacités des populations dans les collines afin d'accroître leur autonomie et de construire avec eux des modèles économiques viables. Voilà une bonne pratique pour réaliser un développement durable par l'éducation et qui pourrait servir comme un exemple dans d'autres pays en Afrique.

Mesdames et Messieurs,

Beaucoup de mes interlocuteurs de ces dernières années m'ont parlé de l'importance cruciale que joue l'éducation dans le développement durable dans tous les pays. L'éducation est sans aucun doute un des principaux enjeux auxquels fait face notre planète ; un des enjeux dont dépendent tous les autres.

C'est pourquoi nous devons veiller à assurer une éducation de qualité pour tous : filles et garçons, riches et pauvres, depuis le jardin d'enfants et l'école primaire jusqu'à la formation permanente au bénéfice des adultes.

Certes, des progrès ont été réalisés. Par exemple, le nombre d'enfants et d'adolescents non scolarisés a été réduit de près de moitié depuis 2000. Les avancées les plus importantes ont été réalisées dans le domaine de l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment au niveau de l'enseignement primaire, même si des discriminations persistent. Les gouvernements ont également intensifié leurs efforts pour évaluer les résultats des politiques menées en matière d'éducation.

Cependant, malgré tous les progrès accomplis, le bilan est plutôt mitigé. Même aujourd'hui le droit à l'éducation est encore régulièrement mis en péril. Partout dans le monde, il reste encore beaucoup trop d'enfants non scolarisés, sans oublier les millions d'enfants qui n'achèvent pas le cycle de l'enseignement primaire.

Dans le domaine de l'éducation, les inégalités se sont accrues: à l'échelle mondiale, les enfants les plus pauvres ont statistiquement quatre fois moins de chances de fréquenter l'école que les enfants les plus favorisés et la probabilité qu'ils n'achèvent pas l'enseignement primaire est cinq fois supérieure. Les conflits demeurent un obstacle majeur à la scolarité. Or, une proportion importante et sans cesse croissante d'enfants non scolarisés vit dans des zones de conflit. Dans l'ensemble, la piètre qualité de l'apprentissage au niveau primaire a pour conséquence que des millions d'enfants quittent l'école sans avoir acquis les compétences fondamentales.

Mesdames et messieurs,

Nous nous trouvons à un moment crucial et décisif pour les 121 millions d'enfants de par le monde, soit 12% de la population, qui ne sont toujours pas scolarisés. Et ce moment est tout aussi décisif pour les quelque 780 millions d'adultes, en particulier les femmes, qui n'ont pas atteint un niveau d'alphabétisation fonctionnelle ni de maîtrise du calcul.

Il y a deux semaines s'est tenu à Incheon (en Corée du Sud) le Forum mondial sur l'éducation 2015. Un agenda ambitieux y a été adopté en vue d'assurer à tous, d'ici à 2030, une éducation de qualité inclusive et équitable et un apprentissage tout au long de la vie. Il est vital, pour le monde de demain, que nous prenions tous conscience de l'importance de la scolarisation -celle des populations défavorisées en particulier- ainsi que des opportunités d'apprentissage tout au long de la vie.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions à propos d'un premier objectif : celui d'assurer à chaque enfant l'accès à la scolarisation primaire et un bon départ dans la vie.

Si de grands progrès ont été réalisés ces dernières années pour l'universalité de la scolarisation, force est cependant de constater que l'objectif d'une Education pour tous n'a pas encore été atteint.

Il est vrai que, dans le monde, le nombre d'enfants n'ayant jamais fréquenté l'école diminue. Les taux nets de scolarisation sont en progression constante partout, même dans les pays à forte croissance démographique, où la scolarisation universelle représente un défi considérable.

Au Mozambique et au Burkina Faso par exemple, pays dans lesquels la population d'âge scolaire a plus que doublé entre 1999 et 2012, les taux nets de scolarisation ont cependant augmenté de plus de 66% au cours de la même période.

L'Inde a réduit sa population non scolarisée de plus de 90%.

Les progrès dans la scolarisation en Afrique subsaharienne méritent d'être soulignés. Cependant, les chiffres indiquent que nombre de ces pays sont encore loin d'avoir atteint la scolarisation universelle, c'est-à-dire un taux de scolarisation supérieur ou égal à 97%.

Au Niger, par exemple, le taux net de scolarisation est passé de 27% en 2000 à près de 64% en 2010. Si je cite cet exemple, c'est parce que j'ai eu l'occasion, il a quelques années, de visiter une école nomade en plein désert près d'Agadez. J'ai été frappée par les beaux résultats obtenus par des instituteurs qui ne disposaient cependant que de moyens scolaires très limités. Ce sont avant tout la motivation et l'ambition, tant des professeurs que des élèves, qui ont porté leurs fruits.

Un des facteurs ayant permis l'augmentation de la scolarisation est l'adoption, par de nombreux pays, notamment d'Afrique subsaharienne, d'une législation visant à supprimer les frais de scolarité. La gratuité de l'enseignement a permis à des groupes défavorisés un accès plus aisé à l'école.

Un autre moteur de l'augmentation de la scolarisation est le développement de programmes de protection sociale visant à réduire les coûts directs et indirects liés à la scolarité, comme les coûts des transports et des repas scolaires. Les programmes d'alimentation scolaire, de transferts monétaires ainsi que les bourses et allocations diverses ont eu des retombées positives sur la scolarisation des groupes vulnérables, en particulier des jeunes filles. Je demande une attention particulière pour les maillons faibles de l'éducation des filles. Il ne suffit pas de les inscrire à l'école ; il faut qu'elles réussissent le passage du primaire au secondaire, qui correspond à un âge délicat pour elles.

Les mesures prises pour stimuler la demande de scolarisation de la part des familles relèvent parfois de domaines qui sont connexes à l'éducation.

Mesdames et Messieurs,

De plus en plus, la communauté internationale est consciente qu'un des meilleurs moyens d'atteindre la scolarisation primaire universelle est de viser les populations marginalisées. Il faut entendre par là tout d'abord les enfants issus de minorités ethniques, de populations migrantes, de communautés éloignées ; mais cette notion englobe également les enfants qui vivent dans des taudis urbains, les enfants qui vivent dans des zones de conflit et ceux qui sont victimes de violence, ou encore ceux qui ont des besoins particuliers.

La pauvreté est, parmi d'autres, sans doute le principal obstacle à la scolarisation.

L'accès des enfants marginalisés à l'éducation primaire est essentiel, mais je voudrais aussi souligner que leur accès à l'éducation pré-primaire doit également faire l'objet d'une attention spécifique. En effet, les premières années de la vie sont cruciales pour le développement cognitif et socio-affectif. Un enfant en bonne santé, bien nourri et adéquatement stimulé aura de meilleures chances de se développer et d'apprendre. Il est donc essentiel que les programmes de protection de la petite enfance ciblent les populations marginalisées.

Seule une éducation de qualité inclusive et efficace dans des conditions d'équité permettra aux adultes et aux jeunes marginalisés de sortir de la pauvreté et de devenir des citoyens à part entière.

 

Ma deuxième réflexion concerne « une éducation de qualité »

Favoriser l'accès des enfants à l'éducation est un objectif louable, mais qui n'est malheureusement pas suffisant, pas plus d'ailleurs qu'une bonne infrastructure. Il faut s'assurer qu'en plus de cela, les élèves reçoivent une éducation de qualité. En effet, l'accès à la scolarisation étant devenu plus généralisé, il existe un risque que la qualité ne suive pas. Pour éviter que les inégalités ne se creusent au niveau des résultats d'apprentissage, il est important que les enseignants soient bien formés et compétents, hautement motivés et dévoués et qu'ils se sentent impliqués et écoutés.

En outre, les programmes scolaires devraient répondre aux défis du XXIième siècle. Une simple connaissance académique ne suffit plus dans notre monde globalisé. Les étudiants doivent apprendre des nouvelles méthodes de penser et d'agir pour qu'ils deviennent des citoyens solidaires et responsables et en même temps des porteurs d'espoir.

Une éducation de qualité devrait répondre aux demandes de nos sociétés dont la diversité ne cesse de s'accroître. Elle devrait répondre aux attentes des employeurs dans une économie globale et enfin aux aspirations des étudiants désireux de mettre en oeuvre leur potentiel.

Une éducation transformatrice visant à développer la réflexion critique, la collaboration, la créativité et l'empathie est essentielle pour faire émerger des sociétés empreintes de paix et de tolérance. Une telle éducation devrait également permettre un large mouvement ascendant sur l'échelle sociale de l'économie globale. En d'autres termes, l'éducation doit viser des compétences globales.

Le futur dépend de l'éducation que nous donnerons à la jeune génération. Cette éducation doit lui permettre non seulement de se préparer à son propre futur, mais également de créer un futur global et commun qui apporte à tous paix et prospérité.

Si nous prenons conscience du fait que prodiguer une éducation de qualité digne du XXIième siècle constitue un élément clé du progrès économique et social, nous pouvons réaliser une avancée sans précédent pour chaque individu et pour le monde entier.

Enfin, ma troisième réflexion porte sur les opportunités d'apprentissage tout au long de la vie

Les opportunités d'apprentissage tout au long de la vie sont importantes, au même titre que la scolarisation primaire universelle. Je songe à une formation technique et professionnelle, à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, compétences qui sont souvent acquises par l'éducation non formelle.

Au fil des années, j'ai visité divers projets dans des zones rurales en Afrique et en Asie. J'ai pu ainsi constater par exemple que la microfinance, qui est souvent basée sur une concertation et une bonne communication au sein de la communauté, aide les femmes à sortir de la pauvreté. En outre, l'utilisation de nouvelles technologies leur ouvre un monde qu'elles ne connaissaient pas auparavant. Grâce à une formation de base adéquate, ces femmes ont trouvé leur place sur le marché du travail et ont gagné le respect de leur communauté.

Mesdames et Messieurs,

Investir dans l'éducation exige un engagement concerté de plusieurs acteurs. Mais ce qui importe plus encore est la volonté d'un engagement déterminé qui peut mener à un nouvel élan du développement humain, social et économique. Il s'agit d'un engagement commun et fort en faveur de la paix, de la démocratie et de la prospérité économique équitablement répartie.

Je félicite l'Union Européenne pour son engagement et sa volonté de faire la différence en faveur du développement durable.

Je vous remercie de votre attention.