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Toespraak door Hare Majesteit de Koningin n.a.v. het FAO webinar over gezonde voeding en voedselzekerheid

25 november 2020

(Toespraak uitgesproken in het Frans)

Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Mettre fin à l’insécurité alimentaire sous toutes ses formes est un objectif de longue date de la communauté internationale.

Il s’agit parfois d’intervenir dans l’urgence, au milieu d’un conflit ou d’une catastrophe naturelle, et de parer au plus pressé. Le bilan de l’action humanitaire des Nations Unies et de leurs nombreux partenaires se compte en million de vies sauvées. Le Prix Nobel de la Paix vient couronner l’action du Programme alimentaire mondial. Je réitère au PAM mes sincères félicitations. Elles s’adressent aussi à tout son personnel et à tous ceux et celles qui l’assistent sur le terrain, pour venir en aide aux plus vulnérables.

Mais garantir à chacun le droit à une alimentation suffisante et saine reste aussi une entreprise de longue haleine. Certes les avancées ont été nombreuses. Mais les progrès sont aléatoires et parfois fragiles. En 2020, nous vivons dans un monde où trop de personnes ne mangent pas toujours à leur faim, ou encore souffrent de déficits profonds en nutriments essentiels.

C’est en particulier le cas pour les femmes et les enfants. L’anémie chronique, qui touche de nombreuses filles et femmes, leur impose un fardeau supplémentaire. L’émaciation et les retards de croissance dans la petite enfance affectent le développement physique et mental. Ils laissent des traces profondes et pérennes. Tirer pleinement profit des ressources de l’éducation et développer son entier potentiel peut alors devenir inaccessible pour certains jeunes et certains adultes. Le capital humain d’un pays s’en trouve profondément altéré.

Dans le même temps, partout dans le monde, l’obésité et les maladies liées à une alimentation trop riche ou déséquilibrée sont en progression. Elles touchent aussi les femmes et les jeunes. Le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont en hausse. On l’a constaté aussi dans l’épidémie de coronavirus : la surcharge pondérale est un facteur de risque. Dans certains pays, les systèmes de santé se voient confrontés simultanément à des problèmes persistants de sous-alimentation et aux conséquences du nombre croissant de personnes en surpoids dans la population. Certains groupes sont en effet passés, en une génération, d’un régime sain et varié à une consommation massive de produits ultra-transformés.

Les conséquences sociales d’une nouvelle crise, imprévue, celle du COVID-19, se sont ajoutées aux effets délétères des conflits et aux faiblesses persistantes des systèmes de sécurité alimentaire. Nous n’en mesurons pas encore tous les impacts. Cette crise a exacerbé des inégalités trop longtemps passées sous silence, y compris au sein des sociétés considérées comme prospères.

Dans les pays développés, les banques alimentaires ont dû répondre, au cours des derniers mois, à un accroissement inédit de la demande, pourtant en hausse régulière depuis des années. Dans de nombreux pays en développement, les systèmes de production et de distribution alimentaire ont été durement touchés. La fermeture des écoles en raison du confinement a privé de nombreux enfants de leur seul repas nutritif de la journée. Mais cette crise a également donné naissance à de nouvelles formes de résilience et d’entraide.

Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Garantir durablement une alimentation saine et de qualité requiert des formes d’interventions très diverses. Celles-ci ne peuvent pas cibler uniquement les consommateurs et leur « liberté de choix ». La responsabilité des producteurs, des intermédiaires, des industries de transformation, des réseaux de distribution et du secteur publicitaire est également engagée.

Garantir l’offre et la disponibilité de nourriture reste bien entendu essentiel. Le prix et l’accès sont des variables déterminantes, au même titre que la qualité. Mais n’oublions pas que la nutrition met aussi en jeu l’âge, les appartenances géographiques, sociales et culturelles, les préférences et les habitudes alimentaires, les émotions. Il faut leur faire une place dans la communication. 

L’éducation peut jouer un rôle important pour faire comprendre l’importance d’une alimentation saine et d’une information crédible permettant des choix raisonnés.

Le consommateur doit avoir un accès facile à des renseignements fiables sur l’apport nutritionnel des aliments. Des expériences d’étiquetage visant à répondre à ce besoin ont du reste été lancées dans plusieurs pays. Il est vrai que souvent les aliments ultra-transformés et les boissons sucrées doivent leur succès davantage à l’image de modernité ou de convivialité qu’ils véhiculent qu’à leur valeur nutritive. Par ailleurs, le prix relatif d’aliments sains, jugé trop élevé, ou perçu comme tel, peut constituer un obstacle non seulement financier, mais aussi psychologique, en particulier pour les plus vulnérables. Enfin, comme l’a confirmé l’épidémie du COVID, une bonne information, même bien comprise, n’entraîne pas nécessairement une modification des comportements.

Face à cette complexité de la nutrition et de l’alimentation, face à leurs nombreuses ramifications, les objectifs de développement durable et l’agenda 2030 nous invitent à la cohérence, en proposant une vision systémique. Le changement climatique affectera les systèmes alimentaires et la production agricole. La biodiversité terrestre et marine est menacée par des modèles d’exploitation et de production non durables. En conséquence, les risques de nouvelles pandémies, de dégradation de l’environnement et d’épuisement des ressources naturelles s’amplifient.

De plus, il sera difficile de garantir à tous le droit à une nourriture saine et adéquate sans promouvoir des sociétés pacifiées. Ou sans assurer l’accès à une éducation de qualité. Pour y parvenir, il faut aussi lutter contre la pauvreté et les inégalités. Il faut faire avancer l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et les perspectives d’accès à un emploi décent.

Quant aux systèmes alimentaires, le constat est là. Les systèmes actuels ont rendu de grands services. Ils ont permis de nourrir une humanité toujours plus nombreuse. Mais aujourd’hui, ils atteignent leurs limites. Ils devront être transformés en profondeur pour enfin devenir durables, à toutes les étapes de la chaîne menant du producteur au consommateur. En bref : respectueux des agriculteurs, des populations environnantes, des sols, des ressources en eau, de l’air, du climat, si nécessaire en s’appuyant sur de nouvelles technologies. De nombreux producteurs ont déjà investi dans ces nouveaux modèles.

Certes, les interventions traditionnelles urgentes, ou ciblant les groupes et les personnes « laissés pour compte », resteront indispensables pendant longtemps encore. Les transformations nécessaires devront prendre en considération ces vulnérabilités et y apporter des réponses. Construire des partenariats équilibrés, respectueux, transparents et équitables entre petits et grands producteurs, entre secteur privé, gouvernements et communautés locales, investir ensemble dans de nouvelles formes d’agriculture durable au bénéfice du plus grand nombre, voilà qui ouvre de nouveaux champs d’action.

Monsieur le Directeur Général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Dans de nombreuses sociétés rurales de pays en développement, les femmes sont des actrices incontournables de la production ou de la transformation alimentaire. Elles cultivent. Elles cuisinent. Elles sont vues comme les principales responsables du bien-être familial.

Leur statut ne s’en trouve cependant pas rehaussé. Leur consommation alimentaire est inadéquate. Leurs besoins nutritionnels spécifiques, qui varient avec l’âge et la maternité, sont ignorés ou négligés. Parfois, des tabous vivaces leur interdisent la consommation de certains aliments. Leurs droits à la terre et aux ressources financières restent limités. La valeur de leur production est sous-estimée. Trop souvent, leur niveau d’éducation reste bas.

Cette discrimination résulte souvent de normes sociétales profondément ancrées. Aujourd’hui de nombreuses initiatives s’emploient à corriger ces injustices, à encourager les femmes elles-mêmes à prendre leur destin en main. C’est toujours avec plaisir que je vais à la rencontre de ces femmes issues de milieux ruraux, dont les projets sont, non seulement, source de fierté, mais générateurs d’emplois et de revenus pour leur communauté.

Mais le changement ne peut pas reposer uniquement sur les épaules des femmes et venir s’ajouter à leurs nombreuses charges et responsabilités. Pour faire bouger les mentalités, la participation et l’implication des hommes et de l’ensemble de leur communauté est essentielle. Une plus grande considération pour le travail des femmes, un plus grand respect mutuel et une meilleure répartition des tâches sont les premiers résultats concrets engrangés grâce à cette approche.

Monsieur le Directeur Général
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Une alimentation saine et suffisante est reconnue par tous comme l’un des facteurs essentiels de la santé et du bien-être. Et en ma qualité de Défenseur des Objectifs de développement durable, j’attache une importance particulière à la santé mentale. La recherche met progressivement en lumière des corrélations possibles entre l’alimentation et le bien-être mental. Les personnes souffrant d’insécurité alimentaire sont souvent soumises à un stress permanent, qui les handicape encore davantage. L’anorexie et la boulimie – qui touchent de nombreux adolescents - sont des conditions mentales étroitement liées à la nourriture. Mais des pistes s’ouvrent également concernant le rôle joué par des déficiences en micronutriments spécifiques, par exemple dans l’apparition de certaines formes de dépression. Si je les mentionne ici, c’est qu’elles ouvrent des perspectives innovantes en matière de prévention et de traitement de certaines affections mentales.

Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Les défis restent considérables. Mais en mettant en commun nos expériences cumulées, nos moyens et nos efforts, il nous est permis de miser sur des transformations profondes pour enfin apporter des réponses aux femmes, aux hommes et aux enfants qui, aujourd’hui encore, ne peuvent pas se permettre un repas par jour.