Discours de Sa Majesté le Roi des Belges à l’occasion de la visite d’État de Sa Majesté le Roi des Pays-Bas, Château de Laeken

Majestés, 
Cher Willem-Alexander, chère Máxima, 

En ces temps agités où la donne internationale est bouleversée, il est réconfortant de recevoir nos chers voisins et amis. 

La Reine Mathilde et moi nous réjouissons de vous emmener, vous et votre délégation, à la découverte de nouvelles facettes de notre pays. De vous faire apprécier la vitalité et la puissance d’innovation présentes tant en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie.

 

Majestés, 
Altesses royales, 
Mesdames et Messieurs, 

Nos deux pays plongent leurs racines au cœur du même creuset de l’histoire. Avant l’établissement de nos limites géographiques actuelles, la carte de l’Europe fut régulièrement redessinée. Les déplacements de frontières résultaient au mieux d’alliances, de mariages ou d’héritages, mais malheureusement plus souvent de guerres ou de conflits, et s’accompagnaient de ce fait de multiples souffrances. Un constat d’une actualité brûlante…

L’histoire de votre pays inspire le plus grand respect. Des siècles durant, les Pays-Bas ont littéralement dû lutter « contre vents et marées » afin d’assurer leur survie. Après avoir enduré de terribles privations durant des décennies de guerres, votre jeune nation a misé sur le commerce, source d’une plus grande prospérité. Votre pays est parvenu à amener le centre névralgique du commerce mondial à Amsterdam, à dominer la navigation maritime en Europe et enfin à rivaliser avec les superpuissances européennes sur toutes les mers du globe. Les Pays-Bas sont également à l’origine des marchés boursiers tels que nous les connaissons actuellement, et qui constituent un élément déterminant des succès ou des revers de l’économie mondiale. 

Si le peuple néerlandais possède une âme de navigateur et de commerçant, il se caractérise aussi par son côté « combattif ». Les Néerlandais cultivent en effet un esprit de vainqueur. Dans une multitude de domaines, vous jouez dans la cour des grands, comme le dit l’expression, même à un niveau supérieur à celui de pays bien plus grands, et toujours avec le succès que l’on vous connaît. 

Aujourd’hui, les Pays-Bas disposent de l’une des économies les plus ouvertes, les plus avancées et les plus innovantes au monde. Dans de nombreux secteurs, vous vous situez même à la première place mondiale. 

Votre pays s’illustre aussi particulièrement par ses performances sportives. Le nombre de médailles décrochées lors de compétitions majeures force toujours l’admiration. 

Vous pouvez à juste titre et avec fierté chanter « Onze daden benne groot ». 

 

Majestés, 
Altesses royales, 
Mesdames et Messieurs, 

Mus par notre proximité, nous avons écrit ensemble des centaines de pages fascinantes de l’histoire du monde - sur les plans culturel, économique et social.

Les exemples sont légion d’artistes, de scientifiques mais aussi d’entrepreneurs qui ont migré de notre pays vers les Pays-Bas, et vice versa, afin de faire éclore leur talent.

L’exposition « Ode à Anvers. Le secret des maîtres hollandais », que vous avez inaugurée le mois dernier au musée du couvent Sainte-Catherine à Utrecht en constitue une magnifique illustration. 

Mais l’histoire nous a aussi parfois éloignés, souvent en raison de l’influence de grands voisins. Des identités et des visions du monde distinctes en sont aujourd’hui le résultat.

Cela étant, grâce à l’Union européenne, que nos deux pays ont portée sur les fonts baptismaux, nous façonnons aujourd’hui ensemble notre avenir commun. Membres fondateurs de l’OTAN, nous nous tenons également côte à côte face au conflit ukrainien, cette guerre atroce qui sévit sur notre continent.

La liste des projets concrets de la coopération belgo-néerlandaise est très étoffée.

Marines intégrées, achats communs et surveillance alternée de l’espace aérien de nos deux pays : notre coopération en matière de défense fait de nous des pionniers. 

Notre North Sea Port peut s’enorgueillir d’un statut unique de port transfrontalier et binational au sein de la plus importante concentration portuaire d’Europe. 

Les échanges culturels et universitaires entre nos deux nations sont particulièrement intenses. 

En un mot, au fil du temps, les liens entre nos deux États n’ont cessé de se resserrer.

 

Majestés, 
Altesses royales, 
Mesdames et Messieurs, 

Revenons un instant sur ces identités qui nous caractérisent et nous différencient... 

Les évidences, tout d’abord, ce qu’on voit au premier regard. 

Pour ne citer qu’un exemple... Si l’on observe les étapes d’un chantier néerlandais, les fenêtres apparaissent en premier, puis les murs s’érigent tout autour. En Belgique, ce sont les murs qui sont construits avant d’y insérer les fenêtres. Les Néerlandais, forts de leur tradition de navigateurs qui exploraient le globe à bord de navires en bois, traduiraient-ils ainsi leur aspiration à une ouverture immédiate sur le monde, tandis que les Belges, proverbialement « nés avec une brique dans le ventre », désireraient avant toute chose doter leur propre demeure de murs particulièrement robustes ? 

Vous, les Néerlandais, êtes en effet très ouverts. Vous pouvez vous montrer très directs, sans détours. Que ce soit dans les relations interétatiques, interpersonnelles ou dans le monde des affaires, cette attitude est précieuse : tout un chacun sait exactement à quoi s’en tenir. 

Nous, les Belges, adoptons souvent une approche différente. Nous préférons éviter les conflits, œuvrer au consensus. Certaines questions sont dès lors tues ou laissées en suspens.

Cette approche présente l’avantage de donner aux deux parties, en fin de compte, un peu raison, de reconnaître leur part de raison, leur part de « vérité ». 

C’est ce que nous appelons le compromis, qui par essence comporte une part de renoncement. 

Nous pourrions aussi voir les choses de la manière suivante : là où vous, les Néerlandais, adoptez une attitude plutôt stratégique, à l’origine de votre plus grande ouverture vers des horizons lointains, nous nous montrons davantage tactiques. Peut-être sommes-nous plus attentifs aux sensibilités de chacun du fait de notre diversité. 

J’ai le sentiment que ces deux méthodes peuvent s’avérer très utiles, voire complémentaires. 

Et que nous avons beaucoup à apprendre l’un de l’autre. 

 

Majestés, 
Altesses royales,  
Mesdames et Messieurs, 

Je vous invite maintenant à porter un toast.

Au Roi et à la Reine des Pays-Bas.

À l’amitié chaleureuse qui unit nos deux royaumes !